la chaine amazigh


Le Maroc disposera à la fin de l'année d'une chaîne de télévision publique en amazigh, une initiative très attendue par l'importante communauté berbère qui y voit un moyen de préserver une culture et une langue longtemps marginalisées.
"Nous comptons beaucoup sur la télévision, souligne le recteur de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), Ahmed Boukous. Indiscutablement, notre langue est menacée et les jeunes générations la maîtrisent de moins en moins".
Selon le dernier recensement, en 2004, 8,4 millions de Marocains -soit 28% de la population du pays (31,5 millions)- utilisent quotidiennement l'un des trois principaux parlers berbères: le tarifit dans le Rif (nord), le tamazight dans le Moyen et Haut Atlas (centre) et le tachelit dans le Souss, principale région berbérophone, avec Agadir (sud) comme ville principale.
"Ce sondage a été mal fait et les questions ont été mal posées, tempête Ahmed Boukous dans un entretien avec l'AFP.
Une certaine presse arabo-jacobine s'en est emparée pour claironner que les Berbères représentent moins d'un tiers de la population marocaine alors que 85% des Marocains étaient berbérophones à l'indépendance", en 1956.
"La culture amazighe a été victime du champ politique", estime pour sa part Rachid Raha, membre fondateur du Congrès mondial amazigh et directeur du mensuel "Le monde amazigh".
"Les partis traditionnels marocains veulent imposer l'arabisation de l'enseignement, déclare-t-il à l'AFP, alors que la culture amazighe est une richesse et une preuve de démocratie".
Lancer une chaîne de télévision en amazigh a été longtemps un sujet sensible au Maroc.
Ce n'est qu'en 2004 qu'un cahier des charges a été établi par le ministère de la Communication, l'IRCAM, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) et la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT).
"Avec Hassan II, on ne pouvait rien faire, affirme Ahmed Assid, chercheur à l'IRCAM. Il y avait un blocage. Il considérait que c'était une menace pour la cohésion du pays: les mots (et les prénoms) berbères étaient tabous".
"D'ailleurs, confie-t-il à l'AFP, Hassan II ne parlait pas de langue berbère mais de dialecte". "Avec le nouveau roi (Mohammed VI, qui a succédé à son père en 1999), les choses ont changé", ajoute-t-il, mais "beaucoup de temps a été perdu".
A la fin de l'année, si tout va bien, les Imazighen (les "hommes libres") auront donc enfin leur télévision, à raison de 6 heures par jour en semaine et de 10 heures le week-end.
Selon Faïçal Laraichi, PDG de la SNRT, "plusieurs dizaines de personnes ont été recrutées" pour la nouvelle chaîne et la diffusion devrait comme prévu commencer le 30 décembre, avec un budget de fonctionnement annuel de quelque 60 millions de dirhams.
"Nous sommes prêts, indique-t-il à l'AFP. La grille définitive des programmes sera fixée en février, après une période de mise en train, de montée en régime".
Pour le ministre de la Communication Khalid Naciri, "la chaîne amazighe a été conçue dès le départ comme un instrument de reconnaissance et de promotion de la culture amazighe, qui est un élément constitutif de l'identité du Maroc, pays uni dans sa diversité".
En attendant le grand jour, l'Ircam peaufine son travail de "rapprochement" entre les trois parlers berbères.
"Un travail passionnant, note M. Boukous. Mais les différences portent surtout sur la prononciation. Le vocabulaire fondamental est partagé par tous et un +vocabulaire des médias+ a été créé pour des mots qui n'existaient pas".
En Algérie voisine, une chaîne de télévision publique en langue berbère diffuse depuis mars 2009, six heures par jour, en plusieurs déclinaisons. Une autre chaîne en amazigh, basée en France, Berbère Télévision fait partie des chaînes les plus regardées en Kabylie, région montagneuse à l'est d'Alger.

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