Le Maroc regrette le recours par l’Algérie à des arguments injustifiés
pour maintenir le statu quo. C’est ce qu’a indiqué, mercredi 1er juin,
le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, réagissant
aux déclarations du Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, au sujet
des relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie. Dans un
communiqué, le département de Taïeb Fassi Fihri regrette les arguments
préalables avancés par Alger pour faire reculer l’échéance de la
réouverture des frontières entre les deux pays. Le ministère des
Affaires étrangères et de la Coopération souligne que la démarche
algérienne est en mesure «de perpétuer une situation singulière et
exceptionnelle dans le monde et qui constitue une entrave sérieuse au
droit à la libre circulation des populations des deux pays». Le Premier
ministre algérien avait souligné, lors d’une conférence de presse tenue
dimanche 29 mai, que «l’ouverture des frontières avec le Maroc n’est pas
à l’ordre du jour». Ahmed Ouyahia avait, en outre, noté que la
réouverture des frontières exige «un climat empreint de bonne foi et de
confiance mutuelle entre voisins», «mais, a ajouté M. Ouyahia, ces
derniers temps, on observe des déclarations de l’agence officielle
marocaine et une agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis
pour vouloir impliquer l’Algérie dans l’envoi de mercenaires en Libye,
dans l’envoi d’armes en Libye». Ces déclarations du responsable algérien
sont intervenues dans un moment où les observateurs affichaient leur
optimisme quant à une éventuelle ouverture des frontières entre le Maroc
et l’Algérie. Les propos de Ouyahia montrent clairement que l’Algérie
persiste dans sa démarche intransigeante visant à garder le statu quo au
détriment des aspirations de la population de la région du Maghreb. Le
communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération,
qui a qualifié de surprenante à plus d’un titre la déclaration du chef
du gouvernement algérien à la fois sur le fond et le timing, précise
qu’aucun responsable marocain n’a évoqué le rôle de l’Algérie dans la
facilitation du recrutement ou du passage des mercenaires vers la Libye.
«Même si de nombreux membres de l’opposition libyenne et des médias
internationaux ont largement évoqué la responsabilité algérienne, les
officiels marocains se sont abstenus d’aborder ou d’exploiter ce sujet,
de quelque manière que ce soit», souligne la même source. Le département
de M. Fassi Fihri souligne que l’Agence «Maghreb Arabe Press» (MAP),
expressément citée par le Premier ministre algérien, s’est contentée de
rapporter les différentes déclarations, positions et analyses relatives à
cette question. «A l’instar d’autres agences de presse, chaînes de
télévision et sites Internet, la MAP s’est limitée à reprendre des
éléments d’information ou des déclarations, en prenant soin, déontologie
oblige, de se référer à leurs sources, qu’elles soient politiques,
journalistiques et académiques, européennes, africaines ou encore
américaines», indique la même source. Et d’ajouter que «l’observateur
est, donc, en droit de s’interroger sur le recours ciblé à la seule MAP,
sur un sujet abondamment traité à l’international, pour justifier le
maintien de frontières fermées avec le Maroc. La remarque vaut tout
autant pour l’évocation par le Premier ministre algérien d’une
soi-disant agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis». Le
communiqué précise, en outre, que l’étonnement du Maroc face à la
position de l’Algérie provient du fait que «les relations bilatérales
ont connu une évolution prometteuse au cours des derniers mois, à la
faveur des échanges de visites ministérielles fructueuses dans plusieurs
domaines de coopération, identifiés, au demeurant, par la partie
algérienne». «Dans le même sillage, il est légitime de s’interroger sur
l’opportunité de relever l’évolution des échanges commerciaux
«informels» entre les deux pays, dans le contexte de frontières
terrestres fermées», note le communiqué. Selon la même source, ce
constat «laisse perplexe au regard des risques multiples et trafics en
tous genres engendrés par le développement de l’économie informelle,
au-delà des pertes fiscales conséquentes pour les deux pays». Ceci dit,
les observateurs s’accordent pour affirmer que l’attitude algérienne
traduit une volonté de maintenir la statu quo et esquiver le changement.
Mohamed Benhamou, président du Centre marocain des études stratégiques,
estime que «l’Algérie cherche à garder un statu quo en étouffant toute
initiative d’ouverture et de collaboration, pensant par là pérenniser le
pouvoir et esquiver le changement. Leur approche n’est pas bonne».
«L’avenir très proche obligera ses gouvernants à ouvrir les frontières.
Il faut qu’ils s’inscrivent dans une nouvelle ère marquée par
l’émergence d’Etats démocratiques et respectueux des droits de l’Homme
ainsi que par l’édification de blocs régionaux permettant la prospérité
économique et sociale et où les frontières sont des points de rencontre
et non pas des murs de séparation», a-t-il souligné dans un entretien
accordé à ALM, paru dans l’édition du mercredi 1er juin, N°2445.
Concernant les rapports entre l’Algérie, le régime de Kadhafi et les
mercenaires du Polisario, plusieurs experts avaient mis le doigt sur ces
liaisons. Actuellement, le Parlement européen se penche sur la
rédaction d’un rapport sur Libye, dans lequel l’eurodéputée socialiste
portugaise, Ana Gomes, a qualifié de «préoccupant» le soutien militaire
apporté au régime de Mouammar Kadhafi et facilité par la perméabilité de
la frontière algérienne, permettant l’accès de mercenaires au
territoire libyen.
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