Taxis choyés, citoyens taxés


Regroupés devant les gares, toujours à l'affût du client, les chauffeurs de taxi font rarement preuve de professionnalisme ou de civisme. Si la fiche de poste précise bien que « le chauffeur de taxi doit conduire les passagers d'un endroit à un autre dans les meilleures conditions possibles », plusieurs imposent leur itinéraire ou même leur destination. « Ils t'emmènent là où tu veux mais choisissent toujours l'itinéraire qu'ils veulent », témoigne Ibtissam, habituée de la navette Casa-Rabat depuis 4 ans. « Ce n'est pas normal qu'ils nous agressent devant la gare tous les matins pour nous imposer leur destination. On fait en fonction d'eux, ça devrait être le contraire. En plus, on est obligé d'attendre que le taxi se remplisse pour avancer », ajoute la même source, outrée par l'anarchie qui règne à Casa Port tous les matins. Contrairement à tout règlement, les chauffeurs de taxi ne respectent pas le code de la route et circulent dans la ville noire en toute liberté, se permettant ainsi toutes les excès. En effet, les prix des trajets sont parfois doublés voire triplés sous prétexte qu'ils sont trop courts. Ironie et paradoxe puisque plus le trajet est court, plus le conducteur en veut plus. « En sortant de Casa Voyageurs, je voulais me rendre en ville. Le trajet me coûte 7 DH normalement. Ne trouvant aucun taxi pour me rendre à destination, l'un d'entre eux me propose de m'y emmener à 30 DH ! » témoigne Adil, choqué par cette attitude. Certains se permettent même de faire du chantage émotionnel : « J'ai passé tout le trajet à subir la misère d'un chauffeur. Il m'a emballé par ses sentiments, je lui ai donné 100 DH. J'ai appris plus tard qu'il avait fait le même coup à plusieurs, il s'agissait d'un taxi mendiant ». Non satisfait de porter préjudice aux usagers, ces derniers se permettent volontiers d'enfreindre les règles de la bienséance. « Un jour, en plein milieu du trajet, un conducteur de taxi s'arrête et me demande d'aller lui acheter un beignet ! », confie Houda qui est confrontée à la réalité des petits taxis depuis 5 ans, tous les jours du lundi au vendredi. « Les anecdotes, ce n'est pas ça qui manque. J'en ai vu de toutes les couleurs : entre celui qui s'arrête parce qu'il me trouve jolie , celui qui ne s'arrête pas parc que je ne suis pas à son goût ou encore un conducteur qui me touche le mollet pour vérifier si je fais du sport », ajoute la même source.

Des anecdotes qui se suivent et qui se répètent puisque prendre un taxi à Casablanca se révèle être une grande aventure. « Pas plus tard que la semaine dernière, je suis montée dans un taxi avec deux copines. Direction la gare. Au milieu du chemin, il s'est arrêté pour «monter chercher quelque chose» dans un immeuble. Il a laissé les clés sur le contact. 5 min...10 min... On a décidé de sortir du taxi et d'en prendre un autre », raconte Selma. Une aventure qui peut se révéler dangereuse. En effet, la ville blanche pullule de conducteurs violents, qui ne sont pas formés ou d'anciens détenus reconvertis. Samira a vécu une expérience traumatisante avec l'un d'entre eux : « La course était courte, aucun taxi ne voulait me prendre. Il pleuvait. J'ai décidé de me mettre de force dans un taxi. Ce dernier, pour se venger, s'est garé dans une ruelle et m'a séquestrée pendant une heure ! ». Une expérience des plus troublantes surtout lorsque l'on sait qu'elle fait partie d'une histoire parmi tant d'autres, des fois plus graves allant du racolage au viol.

Violence, insolence et anarchie, les petits taxis jouissent de tous les pouvoirs puisque la demande est importante. Un pouvoir que les conducteurs s'octroient volontiers en choisissant leurs clients, en imposant le trajet, en faisant payer chaque passager tout seul et en ne fournissant aucun effort quant au confort du client.
« Un jour, j'ai pris un taxi dans un piètre état. La portière ne se fermait pas, les vitres étaient coincées, les sièges crasseux et le comble, je voyais la route à travers un trou énorme dans le sol ». Un manque de confort qui peut se révéler technique ou physique : « Le conducteur ne cessait de me raconter l'histoire de son tatouage et la douleur qu'il a éprouvé quand il l'a fait. A un moment, il a levé son t-shirt alors qu'il conduisait pour me montrer le second ! », confie Antoine qui habite Casablanca depuis une vingtaine d'années.
Des chauffeurs qui se plaignent à leur tour de la circulation, des embouteillages, du manque de moyens et de la nervosité des passagers. Hocine, chauffeur depuis 20 ans, partage son expérience. « Il faut avoir de la patience pour exercer un tel métier », confie-t-il. « J'ai vu des malades mentaux, des gens qui refusaient de payer leur course, des bandits. Un jour, j'ai transporté une femme voilée. A son arrivée à destination, elle était maquillée et en mini-jupe ! ». Les taxis de la ville blanche sont rouges. Rouge de colère puisque selon plusieurs conducteurs, la vie n'est pas facile. « Pour vivre, il faut se battre ! Ce n'est pas une course de 7 DH qui va nous payer toutes nos dépenses comme l'essence, le maintien de la voiture et les papiers… » . D'autres dénoncent les pratiques abusives des propriétaires d'agrément. Tout un monde puisque cette autorisation d'exercer pour la plupart des conducteurs moyennant 1500 à 2500 DH profite à certains et pas à d'autres. « Nous sommes dans l'incapacité de gérer tout cela. Avec les agréments, nous ne pouvons ni changer les choses ni ce qui ne va pas », témoigne un haut fonctionnaire de la wilaya de Casablanca. « Nous avons essayé de mettre en place la visite technique pour contrôler l'état du véhicule et le profil du chauffeur », rapporte la même source. Face à cela, Abdellah, chauffeur de taxi ,répond : « Si on nous faisait passer la visite technique, plus de 80% des taxis iraient à la casse, chauffeurs y compris ».

Un bilan alarmant et une colère omniprésente. Cette colère se lit sur leurs visages et se traduit dans leurs façons de se comporter. « On dirait des taxis mutants, qui ont dû s'adapter à la jungle casawie et à sa circulation. J'imagine que si on les lâche à Larache ou Taroudant, ils vont dépérir ». En effet, les petits taxis de la métropole se distinguent clairement des autres taxis, dans les villes plus calmes. « C'est encore agréable de prendre un taxi à Rabat. On peut monter à plusieurs et souvent, c'est le taxi qui s'arrête quand il te voit sur le trottoir à attendre », confie Leila, jeune fille de Rabat, qui fait des déplacements à Casablanca. Quand certains sont optimistes, d'autres tirent la sonnette d'alarme. « Ce phénomène existe peu à Rabat mais je pense que la tendance commence à se généraliser dans les autres villes ». Des villes qui contrairement à Casablanca, ne sont pas aussi vives et vivantes. « Ils ne vivent que pour l'action. D'ailleurs quand je travaillais les dimanches, ils se plaisaient toujours à dire «regarde, il n'y a personne c'est dimanche», mais toujours avec un air triste », rapporte Selma.
Un cercle vicieux qui ne contribue en rien à la bonne santé psychologique de la ville et de ses habitants. Des chauffeurs de taxi insatisfaits traduisent leur frustration par une agressivité qui touche de plein fouet des passagers, déjà stressés par les aléas de la vie et du quotidien. La guerre des taxis est un fait et le constat des visiteurs de la ville blanche est clair. A petits taxis, gros soucis. A taxis rouges, ville qui bouge. Un peu trop peut-être.

Des taxis pour handicapés

Depuis peu, la société Taxis Verts propose un service inédit au Maroc : une voiture spécialement équipée pour accueillir les handicapés. Et pour le même prix que les autres. Il est parfois difficile de trouver un taxi à Casablanca, mais encore plus lorsqu'on est handicapé. Voitures non équipées, trottoirs dangereux, prise en charge trop compliquée par des chauffeurs pressés, ça peut vite devenir un véritable calvaire. La société Taxis Verts propose donc la solution : un taxi spécialisé, qui fait le déplacement à domicile. L'arrière s'ouvre totalement, par le haut, et une rampe se glisse jusqu'au trottoir. En fauteuil roulant, il est donc possible de se glisser entre deux sièges (pour d'éventuels compagnons), sans quitter son fauteuil, fermement harnaché par des sangles. Une ceinture spécifique est aussi prévue que le chauffeur aide à mettre. De plus, la course est au même prix qu'un trajet avec n'importe quel autre taxi vert, c'est-à-dire le compteur (allumé seulement au moment de partir), majoré de 10 dirhams la journée, 15 dirhams la nuit. Il suffit donc d'appeler le 05 22 48 60 60 pour profiter de ce service.
  

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