La nomination de M. Fouad Ali Al Himma et Yassir Zenagui par SM le Roi en tant que conseillers au Cabinet royal, est une décision qui va, très certainement, faire couler beaucoup d’encre et susciter d’amples commentaires. Cette démarche royale, pourtant, indique tout d’abord que le Souverain a pris la décision de renforcer l’équipe rapprochée qui travaille sous ses ordres et instructions, et qui, jusqu’à une date récente, n’était plus constituée que de quatre personnes, M. Mohamed Moatassim, Mme Zoulikha Nassri, M. André Azoulay et M. Omar Kabbaj, privée qu’elle avait été des fortes compétences du regretté Meziane Belfkih.
Si M. Moatasim est connu pour ses connaissances de juriste, ses qualités rédactionnelles et sa proximité des leaders politiques, Mme Nassri est l’organisatrice du champ social, de la solidarité et des relations avec la société civile, notamment à travers les fondations. M. Azoulay reste l’incontournable spécialiste des relations publiques à l’international grâce à un réseau et un carnet d’adresses incomparables, tandis que M. Omar Kabbaj, longtemps président de la Banque africaine de Développement, possède une connaissance approfondie des circuits du Continent noir, qu’ils soient financiers ou politiques.
Un droit régalien
Cette précision faite, on remarquera, pour anticiper peut-être sur des appréciations qui ne manqueront pas d’être portées, que nulle disposition constitutionnelle (du texte adopté le 1er juillet dernier) ne prive le chef de l’Etat de s’entourer d’un cabinet dont il choisit, en toute liberté, les membres. Ce droit «régalien», d’ailleurs, est également exercé à la Cour d’Espagne, mais aussi en France et aux Etats-Unis où les conseillers de MM. Sarkozy et Obama sont choisis de façon tout à fait discrétionnaire par le Président de la République française et le Chef de l’Etat fédéral américain…
On notera, également, que la nomination de M. Zenagui, spécialiste de la finance internationale, qui a réussi de surcroît un parcours sans faute à la tête du département du Tourisme en pleine tourmente du «printemps arabe», répond à la nécessité de demeurer en contact étroit et permanent avec les grands «gisements de fonds financiers» que recèlent certaines parties du monde, (le Golfe), mais aussi avec des places financières incontournables telle la City de Londres, bien connue de M. Zenagui.
Pour la «promotion» de M. Al Himma, alors que certains s’époumonent depuis plusieurs mois à lui crier «dégage», la réponse royale a été administrée et de la manière la plus significative qui soit. M. Al Himma, qui a eu l’heur d’accomplir une partie de sa scolarité aux côtés du Roi, possède très certainement une très grande expérience politique et une connaissance approfondie des arcanes politiciennes nationales, notamment grâce aux hautes fonctions qu’il a occupées au Ministère de l’Intérieur, mais aussi en tant que chef de cabinet du Prince héritier Sidi Mohammed, mais encore lorsqu’il occupa plusieurs années durant une place discrète, mais réelle au sein du cabinet de M. Driss Basri inamovible ministre de l’Intérieur de 1979 à 1999…
Cependant, il serait sans doute erroné de considérer que le renforcement conséquent du Cabinet royal se matérialise seulement par ces deux arrivées. Quelques semaines avant celles-ci, SM le Roi avait promu à la fonction de Conseiller successivement M. Mustapha Sahel, qui fut ambassadeur à Paris et Omar Azziman, dont la dernière responsabilité avait été celle de présider la Commission en charge du projet de la régionalisation. De même, au lendemain de l’adoption par référendum de la nouvelle mouture constitutionnelle, le Souverain avait appelé à ses côtés M. Abdellatif Mennouni, l’un des architectes de ce texte et constitutionnaliste éprouvé.
De gros calibres
Avec Mustapha Sahel, c’est l’ancien patron du FEC, bras financier de l’aménagement du territoire, mais aussi l’ancien ministre des pêches et de l’Intérieur et fin connaisseur de la vie politique française, qui était entré au Cabinet Royal. Quant à Omar Azziman, avocat de formation, fondateur de l’Organisation Marocaine des Droits de l’Homme, c’est également pour ses belles amitiés et sa bonne réputation au sein de la classe politique et de la société civile qu’il a été appelé, nonobstant, bien évidemment, sa connaissance forte de notre voisine du Nord, l’Espagne et de sa classe dirigeante, souvent taraudée par des sentiments «anti moros».
Alors que d’aucuns ne verront dans cette nomenclature royale que la seule personne d’Ali Al Himma, parce que souvent sur-médiatisé et passablement critiqué ces derniers mois, malgré une discrétion sans faille, les plus fins observateurs noteront que le Cabinet royal, parfois décrit comme «un gouvernement de l’ombre», voir un «shadow cabinet» constitue plutôt un formidable creuset de compétences et d’expériences qui, sans nul doute, ne seront pas de trop pour la période qui s’ouvre, celle de la «cohabitation» avec un gouvernement dirigé par le secrétaire général du PJD, M. Abdelilah Benkirane.
Celui-ci, comme nous tous, comprendra donc que, par delà les gestes, les signaux, existent des dispositions constitutionnelles qui assignent à chacun droits, obligations, pouvoirs et rôles qu’on se devra de respecter.
Pacta sunt servanda…
Fahd YATA
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