Fès L'épine de l'habitat menaçant ruine

L'habitat menaçant ruine est une vraie bombe à retardement à Fès. L'insalubrité est telle qu'au niveau de certains quartiers de la ville, il suffit de quelques jours de pluie pour que des maisons s'abattent comme des châteaux de cartes provoquant de plus en plus des dégâts matériels et humains. Le dernier événement en date concerne le décès de quatre personnes et six autres blessés suite à l'écroulement le 15 octobre de deux maisons (Dabbab de Fès). 
Ce phénomène d'effondrement, qui touche essentiellement le tissu ancien et l'habitat insalubre prend d'ailleurs des proportions inquiétantes chaque année avec l'arrivée de la saison des pluies et des centaines de familles, voire des milliers sont concernées aujourd'hui par les risques d'effondrement. Et c'est le cas de Tazi Mohamed, un sexagénaire de Fès marchant ambulant de son état. « J'ai loué cette maison à Derb Hammam à Fès Jdid depuis 1974 et je paie régulièrement le loyer malgré les difficultés de la vie. Mais vivre aujourd'hui avec ma nombreuse famille, dont une fille handicapée, dans cette maison qui tombe en ruine, représente un calvaire. On s'attend à chaque pluie qu'elle s'effondre au-dessus de nos têtes », indique t-il. Les eaux de débordements et les infiltrations à travers les toitures, les plafonds et les murs ont fragilisé cette ancienne demeure déjà usée par l'effet du temps. «Il y a quelques années, une commission, composée d'un ingénieur et d'autres personnes est venue et a fait une évaluation de la maison. 

Dans son rapport, l'ingénieur a indiqué que les deux étages sont très fragiles et qu'il faut évacuer d'urgence les habitants et que le rez-de-chaussée où j'habite avec ma famille est encore solide et qu'il faut juste le maintenir par des barrières en bois. Ainsi, les habitants des deux étages ont pu bénéficier d'habitats avec l'appui des autorités alors qu'on m'a privé de cela et qu'on m'a condamné à vivre dans une maison qui risque de tomber à n'importe qu'elle moment », ajoute Mohamed Tazi. Cette maison fait aujourd'hui l'objet d'arrêtés d'évacuation et des avertissements depuis quelques mois. «Je suis marchant ambulant en charge d'une nombreuse famille et je n'ai pas les moyens pour louer une autre maison. L'évacuation de cette maison implique pour moi de vivre sans abri dans la rue et d'être exposé avec ma famille à la violence de la rue, au froid et aux pluies…. J'ai frappé à toutes les portes de responsables communaux, d'élus de mon quartier qui me connaissent bien pour bénéficier d'un petit logement sans succès. Je ne comprends pas d'ailleurs pourquoi on privilégie certains et on exclut d'autres d'un habitat digne et sûr, sachant que Sa Majesté le Roi insiste dans ses différents discours pour que tous les Marocains pauvres et démunis bénéficient d'un logement décent», souligne tristement Mohamed Tazi. 

Une situation dans laquelle vivent de nombreuses familles de Fès et pose moult interrogations sur les critères du choix des familles bénéficiaires du relogement. « Il y a une commission qui se charge de l'habitat menaçant ruine à la médina et à Fès Jdid, composée, entre autres, des représentants de l'Ader, du ministère de l'Habitat, de la wilaya et de la commune urbaine. Mais le recensement des familles à reloger ou à aider pour le relogement est essentiellement assuré par la commune urbaine de Fès. ET là le choix se fait sur l'appartenance politique au Parti Istiqlal et sur les gens proches ou qui travaillent lors des élections avec le maire. Et cela tout le monde le sait mais personne n'ose contrarier l'homme fort de Fès. Et c'est pareil pour le programme de restauration des anciennes bâtisses. Les moyens mises à la disposition de la mairie pour la restauration des demeures sont alloués à certaines personnes au détriment d'autres qui sont dans le besoin», indique Hassan Alami, habitant de Fès Jdid. 

Une nouvelle dynamique A noter que le dossier de l'habitat menaçant ruine et de l'habitat insalubre à Fès, reconnaissons-le, semble connaitre une nouvelle dynamique depuis quelques mois. Il ne se passe pas une semaine sans la démolition de quartiers insalubres et des baraques (voir www.lematin.ma). Et ce depuis l'instauration du comité national de suivi du programme ''Villes sans bidonvilles'' le 15 mai 2010 suite aux Hautes instructions de Sa Majesté le Roi. L'opération Dhar Mahraz, qui a connu un état de statu quo pendant plus de 3 ans à cause notamment de l'occupation du site d'accueil, par des baraques habitées par des ménages récalcitrants (famille composées, démunies,…etc), connaît aujourd'hui un dénouement. La nouvelle approche adoptée et mise en œuvre depuis le 16 août 2010 consiste en la réalisation d'un lotissement comprenant près de 540 lots en R+3 d'une superficie moyenne de 200m² destinés au ''recasement en tri-familial'' des ménages ciblés. Le coût prévisionnel de cette opération est de l'ordre de 97 MDH avec une participation des ménages (uniquement 30.000 DH par ménage). D'autres mesures complémentaires sont également mises en œuvre telles que l'aide frontale, l'accès au logement de faible VIT (140.000 DH) selon les disponibilités offertes etc.. La région de Janante, l'un des bastions de l'habitat menaçant ruine de Fès est également en cours de requalification selon un rapport de la wilaya de Fès. Les opérations de démolition des immeubles menaçant ruine et des constructions classées comme danger de 1re catégorie se poursuivent avec la programmation en 2010 de démolition de près de 40 immeubles et le recasement de 260 ménages. 
Des études préliminaires réalisées dans le cadre de ce projet ont révélé l'existence de 19 constructions déjà évacuées nécessitant une démolition ainsi que l'existence de près de 2300 ménages résidant au niveau de 250 constructions menaçant ruine classées comme danger de 1re catégorie. Ces ménages devront être par ailleurs recasés d'urgence pour procéder à la démolition desdits constructions afin d'éviter tout éventuel danger. 

Cette opération s'inscrit, selon le rapport de la wilaya de Fès –Boulemane, dans le cadre du programme relatif au traitement de la problématique des constructions menaçant ruine dans la zone de Jnanate. Une enveloppe globale de 150 MDH est dédiée par ailleurs à la mise à niveau et la requalification de la région de Jnanate. A noter que sur le tissu ancien , le programme d'intervention initié par l'ADER, selon une note de l'Inspection régional de l'habitat sur l'habitat menaçant ruine au niveau de Fès, a permis de son côté l'étaiement de 1316 bâtisses ; le confortement de 100 constructions ; l'évacuation de 13 ruines ; l'aide à la réhabilitation pour 137 bâtisses et le relogement de 417 ménages au niveau des secteurs Bensouda et Sahrij Gnaoua. 
Ce programme est d'un coût global de près de 270 millions DH. Ceci étant, la situation du tissu ancien et celui menaçant ruine s'aggrave d'une année en année et habiter dans certains quartiers de la ville, c'est vivre dans des endroits à risques, surtout quand le sol et les murs sont gorgés d'eau et les canalisations des eaux pluviales et des eaux usées lâchent...


La subvention aux ménages est calculée sur la base de 1000DH /m2


La subvention accordée pour le recasement des ménages habitant des constructions menaçant ruine est calculée sur la base de 1.000 DH /m2 selon le PV d'évaluation avec limitation du plafond de 12.000 DH maximums pour l'appartement et un minimum de 5.000 DH (cas de plusieurs locataires par appartement). Dans le cas de l'existence d'un appartement objet de location, la subvention s'effectue par un compromis entre les parties concernées. En cas de litige, l'affaire sera traduite devant la juridiction compétente.

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