En effet, la transformation de centaines de locaux, à l'origine garages ou magasins, à travers tout le territoire de la ville divise la population. Auparavant, seuls les quartiers populaires ou périphériques abritaient ce genre de commerces qui s'installent périodiquement. De nos jours, les moutons envahissent mêmes des magasins en plein centre ville.
Moyennant un loyer avoisinant les 5.000 DH pour une durée oscillant entre 7 et 10 jours, nul ne s'étonne de voir certains suspendre leur activité et passer la main à un vendeur de moutons. Au centre-ville, comme du côté du boulevard « 11 janvier » ou encore à proximité du CHU Ibn Rochd, le montant du loyer atteint des pics et peut allègrement dépasser les 10.000 DH pour une période similaire. Du côté de Hay Moulay Abdellah, les prix du loyer tournent autour de 3.000 DH.
Qu'ils soient éleveurs ou simples spéculateurs, par dizaines, les commerçants du mouton issus de partout lèvent les voiles vers Casablanca. Certains parcourent même de longues distances afin de venir, penseront les uns, faire des affaires. Chose qui n'est pas toujours le cas. C'est que la majorité de ces personnes, campagnards pour la plupart, affirment pratiquer cette activité saisonnière par passion, voire par dépendance. Accro au commerce ovin ? Peu importe, mais, ce qui est chose sûre, c'est que cette caste peuple la ville une dizaine de jours avant l'Aïd.
Mohamed est l'un de ceux qui embarquent moutons et bottes de foin et qui mettent le cap sur la capitale économique. Originaire de la région de M'dakra, à une soixantaine de kilomètres de Casablanca, notre ami observe le même rituel depuis des années. Ayant déniché un magasin dans le quartier Inara, ce dernier s'y active avec deux assistants, pratiquement du lever du jour jusqu'à la tombée de la nuit. Cette dernière étant tombée, les trois compères descendent le rideau et c'est parti pour un exercice de comptage de moutons. Pas au sens propre, bien entendu, mais plutôt pour une bonne nuit de sommeil en compagnie… des moutons.
Un mal nécessaire
L'installation de magasins improvisés au sein des quartiers ne fait pas que des heureux. Certes, cela amuse les mômes qui, sur le chemin du retour de l'école, ne manquent pas de s'arrêter longuement pour contempler les moutons. Aussi, cela arrange bien des Casablancais de se faire garder sa bête jusqu'à l'avènement de l'Aïd. Cependant, certaines personnes habitant à proximité de ces magasins ne cachent pas leur mécontentement par rapport aux odeurs qui envahissent les lieux. De même, le bêlement à des heures tardives cause bien des désagréments, sans parler du foin et de la paille qui fait désormais partie du décor.Témoignages
«Un commerce très lucratif»
«J'ai débarqué ici depuis lundi dernier, avec les deux gaillards qui me donnent un coup de main et une cinquantaine de têtes, de race Sardi exclusivement. Ce local m'a coûté 5.000 DH pour les 10 jours. Nous travaillons, mangeons et dormons ici. Nous ne verrons nos familles que le jour de l'Aïd, lorsque les derniers clients auront récupéré leurs moutons», explique Mohamed. En ce sens, la majorité des clients paye sa «marchandise» et la confie au vendeur, faute d'espace où loger l'animal dans un appartement. Si certains vendeurs facturent cette prestation, moyennant 5 DH par jour, d'autres en revanche la considèrent comme un service. Il faut notamment souligner qu'un mouton peut coûter en moyenne, en fourrage, entre 4 et 7 DH par jour. Ce chiffre pourrait passer à 15 DH si l'on inclue le volet vétérinaire, le transport et la prestation des assistants. Au fur et à mesure que des têtes trouvent acquéreur, Mohamed en recommande à partir de M'dakra.«Je n'ai jamais fait les comptes des opérations de l'Aïd, c'est quelque chose que je fais avec beaucoup de passion. Je dirais même que j'en suis quelque part dépendant», précise Mohamed.
Même son de cloche de l'un de ses «confrères» : de la passion et une sorte d'accoutumance. Ce dernier, quant à lui, fait le déplacement de Chichaoua. La distance peut paraître longue, certes, mais il faut reconnaitre que pour Youssef, écouler sa marchandise à Marrakech par exemple, à quelques dizaines de kilomètres seulement, ne serait pas aussi lucratif que de le faire à Casablanca. Rien qu'en transport, cela lui coûte 2.500 DH. Lui, en revanche, procède autrement.
«Je ramène une soixantaine de têtes et je ne dépasse pas les 5 jours ici. Il faut impérativement que je rentre au bled deux jours avant l'Aïd. Mais ce n'est pas toujours le cas, car il m'est arrivé de rester jusqu'au jour de la fête à cause de certains clients qui n'étaient pas venus récupérer leur mouton », souligne Youssef.
Entre temps, les locataires de son magasin passent leurs journées à ruminer, en attendant de trouver preneur, avant de faire l'ultime rencontre du boucher !
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