Aïn Sebaâ A nouveaux cafés, nouvelles tendances

Casablanca regorge de cafés, on en trouve au moins une dizaine dans chaque quartier. Des plus branchés aux plus simples, tous voient leur commerce prospérer. Matchs de football, petit déjeuner, café de l'après-midi, rencontre entre copains….toutes les raisons sont bonnes pour « prendre un café». 
A Aïn Sebaâ précisément, les cafés ont poussé comme des champignons depuis environ 5 ans. Même les quelques cafés qui existaient déjà depuis 20 ans ont été obligés de réaménager leurs espaces afin de pouvoir faire face à la concurrence ou, au moins, garder leur clientèle. 

Ce qui n'est pas vraiment du goût des habitants du quartier, connus pour être réservés et conservateurs: «C'est gênant, il y a des cafés à chaque pâté de maison. Nous n'arrivons plus à circuler avec tranquillité comme avant». «Nous regrettons le bon vieux temps où Aïn Sebaâ était une périphérie tranquille». «C'était propre avant. Il ne venait ici que les gens du secteur. 
Maintenant, il y a tous les genres ». Les habitants ne sont pas tous ravis du changement qu'a connu leur quartier, la plupart n'en voient que des inconvénients.
Le boulevard de Mimosa et la route côtière, reliant Mohammedia à Casablanca en passant par la zone industrielle de Zenata, sont les axes les plus touchés par l'éclosion massive des cafés. 

«Durants les deux dernières années, près de huit cafés ont vu le jour sur ce boulevard», affirme un gardien de parking. Cette route connaît aujourd'hui un trafic des plus importants de la capitale économique. Chose qui n'a pas échappé aux hommes d'affaires qui, voulant un gain sûr et régulier, se sont presque tous décidés à s'implanter dans cette zone, afin de profiter du flux de la circulation. 
Effectivement, grand nombre des clients rencontrés travaillent à Mohammedia ou dans la zone industrielle Zenata. En rentrant le soir, il est difficile pour eux de ne pas répondre à l'envie de se relaxer un peu avant de se trouver chez soi. «Je m'arrête tous les soirs ici avant de rentrer. Je trouve que c'est une bonne idée d'ouvrir ces cafés», explique Mohamed. «C'est la première fois que nous venons ici. Nous rentrons du travail et nous sommes attirés par les bols de la «harira», soulignent Fatima et Khadija.

Bols de «harira», espaces de jeux pour enfants… toutes les attractions sont bonnes pour attirer plus de clients.
La plupart des patrons de ces cafés habitent ou habitaient à Aïn Sebaâ, donc ils ont une certaine affinité avec le quartier. Selon les gérants et serveurs de ces espaces, c'est le gain facile qui explique le choix d'investir dans un café et pas un autre commerce. En effet, les bénéfices de ces projets sont nettement supérieurs aux dépenses. « Un café est un investissement gagnant à 100%», explique le gérant d'un café sur Mimosa. «Notre patron est un émigré qui vivait à Aïn Sebaâ. 
Quoi de mieux que d'investir son argent dans un projet aussi rentable dans son quartier d'enfance !», affirme un serveur de café sur la route côtière.

Beaucoup de désagréments
La zone d'Aïn Sebaâ est animée aujourd'hui grâce aux cafés qui restent ouverts jusqu'à 22 heures ou 23 heures pour certains, alors qu'avant, à 19 heurs, après la sortie des écoles, il n'y avait plus d'activité et le quartier devenait presque désert. «Les gens qui circulent ici le soir ne sont pas vraiment des personnes que l'on aimerait rencontrer dans son quartier», se plaint un habitant de la région. Pour lui, la prolifération des cafés dans le quartier facilite la débauche. «Les lycéennes ne vont plus à leurs cours. J'en vois tout le temps dans la rue. Il n'y a plus aucun respect », s'énerve un habitant, qui tient une pharmacie sur la route. Et d'ajouter, «Il y a tout le temps des filles qui circulent prêtes à monter dans la première voiture qui s'arrête sans aucune gêne. 

Et il ne s'agit même pas de prostituées ». Cette nouvelle tendance inquiète surtout les parents. «Je m'inquiète tous les jours pour ma fille, avec tout ce que nous voyons et nous entendons. J'ai confiance en elle, mais cela ne m'empêche pas de rester la gorge nouée jusqu'à son retour. Je ne sais pas si je dois la suivre et vérifier ce qu'elle fait, ou prendre mon mal en patience et attendre. Nous sommes dépassés par les événements», confie Amina, la maman d'une adolescente.

Pour d'autres personnes, le problème est différent : «Les terrasses dérangent. Elles s'approprient les trottoirs, et on est obligé de passer par la chaussée». Se plaint une femme. « Qui remplit les terrasses ? Les hommes bien sûr, qui ne trouvent rien de mieux à faire que de mater les femmes qui passent». 
Pour Souad, une habitante d'Aïn Sebaâ, le fait de rentrer chez soi après 20 heures est devenu risqué : «Dès que tu passes devant un café, tout le monde essaie de t'aborder. Certains hommes croient que toutes les femmes sont des filles faciles». La floraison de cafés n'est pas prête de s'arrêter d'aussitôt. Beaucoup de maisons vendues ou à vendre dans le quartier sont des projets de cafés, sinon des restaurants franchisés.


Les inconvénients

Le racolage a envahi le quartier Aïn Sebaâ qui était, jadis, calme et paisible. On y trouve des jeunes filles venant des quartiers avoisinants en quête d'argent facile le temps d'un soir, ou celles qui se sont enfouies de chez elles et cherchent un endroit où passer la nuit, appelées «lharibat»…
« Les cafés n'ont apporté que des inconvénients. Nous n'avons rien vu de bien pour le quartier», assure Haj Ali. «Les filles qui vivent dans d'autres quartiers préfèrent venir ici où personne ne les reconnaît, afin d'assouvir leurs besoins. Ain Sebaâ a toujours eu la réputation d'abriter des gens riches, mais personne n'osait s'adonner à de telles pratiques», explique un serveur habitant le quartier depuis 20 ans. Et d'ajouter : «Avec les cafés, les clients viennent de partout. Après, c'est le bouche à oreille qui fait l'effet». Qui dit prostitution dit aussi alcool. «Nous ne dormons plus calmement. Il y a des ivrognes tous les soirs. Des cris, des chants, de la musique…. », déplore Haj Abdelkader. 

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