Tramway Rabat-Salé Euphorie sur fond d'angoisse

Si la promulgation du nouveau code de la route constitue le fait marquant de 2010 dans le secteur du transport en commun, l'entrée en service des tramways de Rabat et de Casablanca sera par excellence l'événement phare de l'année qu'on vient de célébrer. A Rabat et Salé, le compte à rebours est déjà enclenché. Les travaux d'aménagement se sont achevés depuis quelques jours et il ne reste qu'à mettre en circulation les rames, chose prévue ce janvier, d'après la société du tramway.

Entre scepticisme et optimisme des riverains et des professionnels du secteur, le tramway fera son entrée en grande pompe. Tout le monde se demande à quoi ressemblera le nouveau venu qui, dit-on, changera la face du secteur du transport en commun sur les deux rives. La société en charge du projet n'a pas laissé les riverains sur leur faim. Depuis décembre 2010, elle a placé sur différents sites de la ville des rames flambant neuf du tramway et y a donné libre accès au public et aux écoliers. L'objectif était de familiariser les futurs usagers avec ce nouveau moyen de transport et de commencer déjà à conquérir la clientèle. Mais c'est loin d'être gagné d'avance. En effet, à quelques jours de sa mise en service, le tramway crée la controverse parmi la population locale. Chacun jauge la valeur ajoutée du nouveau moyen de transport à l'aune de ses besoins et de ses priorités. Rachid, par exemple, qui habite près de Hay Essalam à Salé, dit que l'entrée en service du tramway ne lui signifie pas grand-chose, puisqu'il n'en tirera aucun profit. « Hay Essalam ainsi que Hay Al Inbiâat ne seront pas desservis, malheureusement.

Je ne sais pas pourquoi on a exclu ces quartiers qui sont, pourtant, parmi les plus peuplés de Salé», regrette Rachid qui affirme qu'il va continuer à prendre le bus pour ses déplacements entre Salé et Rabat. Dans le même ordre d'idées, Abdellah, chauffeur de bus, minimise l'impact du tramway sur le secteur. « Je ne pense pas qu'il va nous faire perdre une partie de notre clientèle. Les bus, les grands taxis et le tramway, chacun a ses atouts et ses clients qu'il a su fidéliser et qui le préfèrent pour une raison ou une autre. Aucun moyen de transport n'empiètera sur le terrain de l'autre », soutient-il. Hassan, un chauffeur de grand taxi, va jusqu'à contester même l'intérêt du tramway ou, plus exactement, de sa mise en exploitation dans un contexte « peu propice ». « Il fallait tout d'abord préparer le terrain pour l'arrivée du tramway. Les routes sont trop étroites pour pouvoir accueillir un nouveau moyen de transport. Le trafic va croissant et la pression sur la route augmente d'un jour à l'autre. Je crains que la circulation ne devienne encore plus difficile avec l'avènement du tramway», témoigne-t-il. Contrairement à cette vision pessimiste des choses, l'on relève un grand soulagement chez de nombreux riverains.

Ceux-ci attendent l'entrée en service du tramway comme une véritable délivrance. Au terminus des bus et des grands taxis de Hay Essalam à Salé, deux femmes discutent. «C'est devenu aberrant. Les grands taxis ne commencent à charger des clients qu'à partir de 10h ! Quand est-ce que donc on va arriver au boulot ? », lance l'une d'elles, visiblement exaspérée. Et sa copine de répondre en toute assurance : « Attends que le tramway soit opérationnel et tu verras combien le trafic va devenir fluide. Les bus et les taxis mettront les bouchées doubles pour préserver leur clientèle et contrer l'effet du tramway. Qui vivra verra ! ». D'autres usagers, tout en faisant part de leur euphorie, ont des angoisses. « En circulant, le tramway ne fait aucun bruit, contrairement aux autres moyens de transport. J'ai bien peur que cela ne provoque des accidents sur la route », indique Kamal, un R'bati. Abdelkrim, un autre usager, a des craintes d'une nature différente.
«Je me demande quel serait le comportement des gens vis-à-vis du nouveau tramway ? Le manque de civisme, les actes de vandalisme, les bagarres avec les conducteurs, le non-respect des stations d'arrêt sont autant de pratiques courantes dans le transport en commun. A coup sûr, le tramway ne sera pas épargné», fait-il remarquer. C'est dire que plus que le matériel lui-même, c'est l'usage qu'on en fait qui importe. C'est dire aussi que, côté mentalités, le terrain n'est pas encore bien préparé pour la mise en service du tramway.

Initiation...

Après une période d'essais techniques qui a commencé fin mars 2010, la société du tramway a choisi de s'ouvrir au grand public. Et ce, en organisant à partir d'octobre 2010 une sorte de « journées portes ouvertes » à Rabat et Salé pour initier la population riveraine à « ce nouveau système de transport ». Ainsi, les habitants et les élèves des établissements scolaires des deux villes ont été invités à monter dans les rames flambant neuf du tramway, à visiter les compartiments, et même à faire un court trajet à bord. Parallèlement, des explications étaient données sur le mode de fonctionnement du nouveau moyen de transport ainsi que sur le projet dans sa globalité. La présentation du tramway au public des deux rives vise à associer les citoyens à ce grand projet qu'ils ont vu naître et à récompenser en quelque sorte leur patience, d'après Loubna Boutaleb, directrice de la société du tramway de Rabat-Salé. A noter que les rames sont conçues dans le respect des spécificités architecturales marocaines. Cela se manifeste par des motifs en zellige sur la carrosserie et sur le plafond et les sièges. D'une longueur de 64,75 m et une largeur de 2,65 m, chaque véhicule offre une capacité de 500 passagers.

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