Il faut reconnaître que même dans les pays développés, les changements majeurs de mœurs et de comportements n'ont été possibles que sous cette épée de Damoclès qu'est la loi. Au Maroc, le gouvernement a accéléré la cadence, devant une opinion publique dubitative, pour que l'ensemble de l'arsenal juridique accompagnant le code de la route soit prêt. Toutefois, tout n'est pas réglé comme une montre suisse. L'insuffisance de l'infrastructure routière y compris la signalisation, les passages-piéton, les voies pénétrantes, les rondpoints, représente une menace au bon fonctionnement de la loi. Selon Mohamed Mitali, président de l'Union des fédérations nationales des chauffeurs et professionnels du transport, il faut que les conseils élus prennent leur responsabilité concernant la signalisation. En effet, le ministère du Transport ne peut pas tout faire.
Certaines prérogatives ne relèvent pas de ses compétences au sein du périmètre urbain. Ce sont donc les communes qui doivent mettre la main à la pâte mais pas de manière sélective. Car la signalisation, les passages-piéton et l'organisation de la circulation à Casablanca ne sont pas les mêmes à Ain Diab (corniche) où c'est irréprochable, et à Hay Mohammadi où ça laisse à désirer. Mais, un peu partout, des feux rouges ici et là se cachent derrières les arbres, tandis que d'autres sont cassés ou hors service. Il y a aussi quelques jours, sur la route côtière de Casablanca au niveau d'Ain Sebaâ, une signalisation répondant aux standards européens a été installée sur un tronçon particulièrement dangereux.
Le conseil de la ville peut donc généraliser l'expérience sur toute la ville, espère-t-on, en tout cas. Outre la question des moyens, le comportement des piétons fait peur aux automobilistes et autres professionnels de la route. Le peu de vulgarisation du contenu de la loi dont le Marocain a droit à la télé et à la radio fait une fixation sur les chauffeurs. Il faut dire que des piétons mal informés peuvent carrément faire capoter la bonne conduite sur route qui représente la raison d'être du nouveau code.
Aujourd'hui, les syndicats représentatifs ont changé de fusil d'épaule au sujet du code. Désormais, ils attendent au tournant le gouvernement sur les possibles blocages qu'une mauvaise application peut provoquer. Tout dépend, estime-t-on, de l'engagement des juges, de la gendarmerie et du contrôle routier. Pour juguler l'hécatombe sur les routes, plus de 4.000 morts par an, il faut que tous ces corps s'impliquent dans une application sans compromission de la loi. L'autre paramètre d'importance a trait à la paix sociale, nécessaire au bon fonctionnement du code.
Les syndicats n'ont jamais oublié la promesse en 2007 du Premier ministre, Driss Jettou, suite à la grève générale qui a pris en otage l'économie nationale pendant plusieurs jours. A l'époque, le chef du gouvernement a qualifié la mise à niveau du secteur du transport routier et l'amélioration des conditions des professionnels de priorité. Mohamed Mahdi, le secrétaire général de l'Union des syndicats professionnels du transport, regrette que le gouvernement ait relégué les attentes sociales aux calendes grecques.
D'aucuns l'expliquent par la pression du lobby patronal, tandis que d'autres estiment que la bonne foi d'un Premier ministre s'est heurté aux énormes déficits qui frappent le secteur. Pour ce qui est de la carte professionnelle ou de l'épineuse problématique des agréments, le département de tutelle est appelé à être plus entreprenant. Pour Mohamed Harrak, secrétaire général du Syndicat national du transport/CDT, deux points essentiels restent en suspens, à savoir la carte professionnelle des chauffeurs et la formation. Ce sont là deux piliers essentiels pour une bonne application du code. Pour ce responsable syndical, la carte jouera le rôle de garde-fou contre les usurpateurs de métier de chauffeur, ceux-là mêmes qui disposent du permis de confiance sans exercer. Justement, ils sont plusieurs qui travaillent dans des professions libérales ou même dans l'administration et qui peuvent avoir accès à la carte de manière abusive. Harrak, comme d'autres professionnels et responsables syndicaux, veulent que Karim Ghellab leur donne plus de visibilité sur cette question. Ils veulent que les critères d'octroi tout autant que l'organisme qui la délivre soient bien définis pour verrouiller les procédures.
«Nous voulons que la gestion des cartes soit faite par les ministères de l'Intérieur et du Transport et non laissée à l'appréciation des associations et syndicats», estime-t-il.
L'application du code se heurte aussi à quelques aberrations qui, avec la durée, sont devenues la règle à telle enseigne que les changer devient presque impossible. C'est le cas de certains tronçons très utilisés par les camions de transport de marchandises où désormais la loi implique un tonnage à ne pas dépasser. Les camions qui ont l'habitude de transporter plus de 40 tonnes dans des routes où la charge maximale tolérée est de 30 tonnes se trouvent ainsi dans l'embarras. Les sociétés et donneurs d'ordres en matière de transport routier doivent aussi respecter les limites de tonnage tolérées par la loi. Des exemples pareils sont légion et la réussite du nouveau code dépend aussi des solutions urgentes qu'il va falloir trouver à certains problèmes.
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