Entretien avec Biyouna, actrice et chanteuse algérienne «J'ai toujours combattu pour la liberté des femmes»

Le MATIN : Vous jouez dans «La source des femmes» actuellement à l'affiche au Maroc. Parlez-nous de cette expérience ?
Biyouna : Pour moi, c'était une expérience formidable. Le jour où Radu m'a envoyé le scénario, j'ai dit qu'il exagérait à travers cette histoire mais quand je suis arrivée sur place, j'ai vu que c'était la réalité. J'ai été heureuse de jouer ce rôle et d'avoir ces répliques car je suis moi-même féministe et j'ai toujours combattu pour la liberté des femmes.

Depuis le début, vous
avez aimé votre rôle «Vieux Fusil», un des plus importants dans le film. Comment avez-vous vécu cela ?
Le rôle m'a beaucoup plu et j'ai fait de nombreux efforts pour bien le jouer. En fait, le rôle était difficile mais comme j'ai beaucoup aimé le personnage, je ne voulais pas le décevoir. «Vieux Fusil» est dur mais en même temps drôle, tout comme les femmes de la région qui vivent un quotidien difficile mais gardent le sourire, rigolent entre elles, racontent des blagues, chantent et dansent. Même Radu (le réalisateur) m'a stressée et m'a fait très peur pour que je sois parfaite dans ce rôle.

N'avez-vous pas trouvé des difficultés à parler le darija ?
C'était difficile pour moi de parler le darija. Car je suis Algéroise et donc on n'a pas forcément le même accent. Si seulement j'étais du côté de l'est de Tlemcen ou Lmaghnia, ça aurait été plus facile car ils parlent comme les Marocains, surtout ceux de Oujda. Je me suis donc laissée coacher par une adorable coach, Zineb, et je me suis même enfermée pendant quatre jours car j'avais beaucoup de monologues : j'avais besoin de comprendre et de ressentir ce que je disais pour jouer. Au final, je parlais marocain presque mieux que les Marocains eux-mêmes !

Vous avez passé de longues journées avec les femmes du village. Sentez-vous que pendant ces échanges, vous avez apporté quelque chose à ces dames ?
Bien au contraire, ce sont elles qui m'ont beaucoup apporté. Ce sont des femmes généreuses, patientes, bonnes vivantes…. Elles sont vraies, naturelles. C'est moi qui ai appris d'elles, la patience, la générosité, la foi… Elles vivent un quotidien simple et ordinaire mais très riche en valeurs, elles partagent et pas comme nous, les femmes de la ville qui sommes égoïstes.

Vous avez longtemps défendu la femme à travers votre art. Où en est cet engagement aujourd'hui ?
J'ai grandi entre des femmes soumises. Que ce soit ma mère ou ma grand-mère. Elles ont longtemps travaillé très dur pour satisfaire leur famille, leur père et leurs enfants. Je lui ai dit un jour «je ne vivrai jamais comme toi». Quand mon père est mort, ma mère est devenue libre et émancipée. Et donc, ayant vécu cette expérience et ayant vu ma mère, j'ai fait de la cause des femmes la mienne. Je l'ai considérée comme une valeur et un principe que j'ai toujours défendus.

Vous êtes actrice, chanteuse et danseuse. Comment portez-vous autant de casquettes ?
Je pense que tout est complémentaire. Un acteur doit avoir de nombreux talents. J'ai par exemple dû chanter et danser en jouant le personnage de Vieux Fusil dans «La Source des femmes». Et je pense que c'est important pour les acteurs de maîtriser d'autres arts et d'apprendre les langues aussi. Moi, par exemple, je compte suivre des cours d'anglais. D'ailleurs, je me dis que je n'apprends jamais assez et qu'il faut toujours avancer dans la vie.

Quel regard portez-vous sur votre parcours aujourd'hui ?
Ca avance, ça avance, ça avance… J'ai dû batailler pour arriver où j'en suis aujourd'hui. Ce n'était pas facile de commencer dans le domaine de l'art, surtout en tant que danseuse, puis chanteuse et enfin actrice.

Quels sont vos projets ?
J'ai un one man show à préparer au théâtre Marigny de Paris. Je commence à partir de la mi-janvier. J'ai des propositions de films aux Etats Unis pour lesquels j'ai été choisie grâce à «La source des femmes».
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Les dames du village à Cannes

Depuis le début du tournage, les actrices ont tissé des relations personnelles et personnalisées avec les femmes du village. D'abord des figurantes pour le film, elles sont vite devenues des amies. Biyouna nous raconte: «J'aimais beaucoup discuter avec ces dames, partager avec elles des choses vraies. On papotait énormément. Un jour, j'ai même pris le petit-déjeuner chez l'une d'elles avec ces petits. Je pense qu'elles ont beaucoup de choses à donner.» Une fois le film dans la boîte, les dames du village n'ont pas été oubliées mais bien au contraire elles étaient honorées. Certaines d'elles ont même monté les marches du festival de Cannes. «Elles étaient sur le tapis rouge, installées dans un magnifique hôtel, elles qui n'ont pas pris l'avion avant. C'était très émouvant de les voir sur le tapis rouge.

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